En Inde, j’ai rasé ma tête
Publié par Charlie | Commentaires :8 | 13 février 2017Voilà. Nous y sommes : il y a un an tout juste, le 13 février 2016, j’étais à Tiruvannamalai en Inde et à 16h, en sortant d’une journée de méditation et de partage dans un ashram, je fonçais tout droit vers un petit “salon de coiffure” indien que j’avais repéré la veille.
J’avais une idée bien précise en tête, qui y avait germé 9 mois plus tôt (hasard ou coïncidence, beaucoup de choses dans ma vie sont timées sur 9 mois) : me tondre, ôter tous mes cheveux.
Au début, j’avais pensé le faire moi-même et peut-être me filmer, mais le côté auto-mutilation et mise en scène me dérangeait un peu. J’avais demandé à un ami de le faire pour moi, il avait refusé tout net même s’il n’était pas contre le projet, y participé non merci, ça lui évoquait trop les femmes tondues en 45…
Et puis, quand ce désir inédit avait germé en moi, j’étais en train de sortir d’une histoire difficile et tout n’était pas encore réglé (loin de là puisque ce n’est toujours pas tout à fait fini !) et je craignais un peu que ma boule à zéro me déstabilise encore davantage. Dans la foulée de cette hésitation, je décrochais ma première exposition de bijoux professionnelle à Roussillon ! J’étais joie… et ANXIÉTÉ TOTALE ! Je ne m’imaginais pas vraiment présenter mes accessoires de coiffures, barrettes, headbands, peignes à cheveux… Avec le crâne rasé !
En janvier 2016, alors que je préparais mon voyage (enfin, “préparais”… façon de parler !), j’ai su que c’était l’opportunité, le “hors temps” en quelque sorte, qu’il me fallait pour réaliser ce désir. Et quand l’heure est venue, je l’ai su.

Les premières et dernières photos de moi avec des cheveux en Inde ! À Chennai
Arrivée dans ce salon de coiffure, face à cet indien à la cataracte évidente qui ne parlait guère anglais, je lui montrais la tondeuse, mes cheveux, et puis saisissais l’objet et enlevais la cale. Il ondulait de la tête avec cette souplesse légère extraordinaire que je rêve d’acquérir, un petit sourire aux lèvres : “Sure, sure ?” Je hochais la tête et m’installais dans le fauteuil qui s’offrait à moi, face au miroir.
Je me regardais dans cette glace et j’avais mal au ventre, une douleur qui montait et se tordait. Je regardais mes cheveux que je laissais repousser depuis quelques mois et je pensais : “t’es vraiment tarée.” Je me suis demandé si cette angoisse que je sentais était le signe que c’était une erreur, que je me faisais du mal, ou au contraire celui qu’il fallait absolument franchir cette barrière ?! Je m’efforçais de garder un visage impassible, je ne pouvais de toute façon partager mes doutes avec personne.
Le vieil homme m’a regardée dans le miroir et il m’a dit “okay ?” J’ai encore hoché la tête et j’ai souri, un petit sourire pas confiant. Alors il a passé son bras devant moi et il a fait tomber la première mèche de cheveux, devant mon oreille droite. Je n’ai pas bougé. La deuxième, et il a reculé, il m’a regardée dans le miroir et il a dit : “okay ?” Je me suis regardée, la douleur dans mon ventre avait disparu et j’ai souri plus grand et j’ai dit “yes”. Il a continué, il a fait tomber les mèches tout autour de moi, un soleil de cheveux de feu au henné d’Égypte. Je me regardais dans la glace, devenir chauve, et un sourire grandir sur mon visage, un sourire immense, qui prenait petit à petit toute la place.
Le vieil homme a pris son temps pour qu’il ne reste plus aucun cheveu trop long, que rien ne dépasse, on souriait et on riait ensemble, surtout quand son fils est entré dans l’échoppe et m’a demandé si c’était bien ce que j’avais demandé, un peu inquiet.
J’ai pris deux photos, nos quatre pieds au milieu des cheveux au sol, ma face réjouie dans le miroir, j’ai payé le coiffeur et l’ai remercié beaucoup beaucoup et je suis sortie dans la rue. J’ai marché, j’ai touché ma tête et je souriais. J’étais légère et je me sentais pleine de lumière, un petit soleil qui se promenait dans Tiru.
Je suis allée jusqu’à une petite boutique de téléphonie (où on peut téléphoner, quoi, on est en Inde, les gars !) où on se retrouvait habituellement avec mes copains de voyage, il n’y avait personne d’autre que le gérant, Babbu, qui m’aimait vraiment bien jusque là. Il m’a dit “Whaaaaaat ? Charlotte ?? What have you done ? You have lost all your handsomeness !“, ce qui signifie en gros : “Merde ! Charlotte, pourquoi t’as fait ça ? T’étais belle avant !”
J’ai souri et j’ai dit : “I don’t think so”.

Ce soir-là, j’ai fait les boutiques avec une copine et j’avais toujours le smile greffé sur la tronche
C’est là que j’ai commencé à vraiment comprendre pourquoi j’avais eu tellement besoin de faire ça.
J’avais plein de raisons, d’arguments, de théories, notamment sur mon rapport aux cheveux, qu’on comprend assez bien en lisant cette petite nouvelle. Mais ce dont j’avais vraiment besoin, c’était de vivre ce moment où je me sens belle malgré le regard et l’avis de l’autre, où je m’aime et me respecte au-delà de ce qu’on peut penser de moi et de mes choix. J’avais retiré une couche et j’étais plus tranquille. J’avais fait quelque chose qui me faisait très peur et très envie, et j’étais heureuse.

Le jour où je prenais la route toute seule, après 12 jours avec les copains en Inde, et ma première nuit seule.
Dans une moindre mesure, j’ai ressenti un bonheur similaire il y a presque 3 semaines, quand je suis sortie d’une boutique un mardi après-midi avec un nouveau piercing à l’hélix. C’était une chose qui me faisait envie depuis très très longtemps, des années, mais j’avais peur de la douleur, des complications, peur aussi de déplaire ou décevoir des proches. Il y a un interdit dans ma famille, concernant les piercings et les tatouages ; quand j’étais adolescente ma mère me disait carrément que je devrais aller vivre ailleurs si je me faisais encrer ou trouer à un endroit qui n’est pas “dans notre culture”.

Après 3 semaines de repousse…
Et puis j’ai ce petit souci avec le désir de modifier son corps, qui a fait que j’ai attendu d’avoir 22 ans je crois pour percer mes lobes d’oreilles, et qui s’est presque accentué depuis que je travaille à m’aimer profondément et complètement. Ai-je besoin de cet artifice pour m’aimer davantage ? Il vaudrait mieux que la réponse soit non…! Examiner mes motivations, c’est nécessaire pour savoir à quel besoin je réponds en faisant quelque chose. Je me suis rendu compte que je ne voulais plus envier quelqu’un qui porterait un bijou à l’hélix, alors que je pouvais moi-même en avoir un si le coeur m’en disait ! Et puis, un piercing, c’est beaucoup moins définitif qu’un tatouage.

À Bali, le jour où le headband Athéna voyait le jour
S’aimer soi, c’est faire ce qu’on veut, mais pas n’importe comment, avec confiance et conscience.
Qu’est-ce que tu en dis ? Ça te parle ces histoires de cheveux, de piercings ?
Si ça t’intéresse, je t’expliquerai pourquoi j’ai décidé de ne pas me faire tatouer… jusqu’à preuve du contraire !
Captain Rawr - Frigate and Forest
13 février 2017Oh que oui ça me parle, et je trouve admirable que tu l’ai fait, car de fait, ce n’est pas une décision qui doit être facile si on pense aux remarques que l’on va s’essuyer des esprits un peu fermés : les Tondues, la maladie, le “manque de féminité” etc.
En tout cas, ça t’allait très bien.
J’ai personnellement toujours voulu le faire. J’ai eu les cheveux très très cours, une fois de mon plein gré, une dernière fois obligée (et ça, je l’ai ressenti comme une humiliation!) et je me demande pourquoi je n’ai pas passé le cap à chaque fois à ces moments là, car après les cheveux repoussent, je suis contente et l’idée de repasser par les différents stades de repousse, me freinent et pourtant je sais pertinemment que ça doit être libérateur (et ô combien pratique pour ce qui est de l’entretien ahaha).
Ceci dit, je suis encore jeune j’ai toute ma vie devant moi. Je pense que ça arrivera comme toi, à un instant T où je saurai que c’est “le moment”.
Tu es restée longtemps avec le crâne rasé où tu ne l’as fait juste qu’une fois et laissé repousser après?
Merci pour ton partage!
Captain Rawr.
Charlie
13 février 2017: )
Merci pour ton commentaire Captain !
J’ai souvent eu envie de me tondre à nouveau, j’ai même pensé rester comme ça quelques mois ou années et donc investir dans une tondeuse, mais finalement j’ai laissé repousser et continue dans cette voie. Un an après, mes cheveux sont un poil plus longs qu’ils ne l’étaient je crois.
Le truc c’est que je n’avais pas vraiment envie que ça devienne un look, un choix esthétique pour se démarquer ou me faire remarquer, alors que pour moi ça avait une signification très intime.
Je crois que ce que j’ai coupé à travers ces cheveux-là, je ne pouvais le couper qu’une fois tu vois 😉
Je t’embrasse !
Aurore
14 février 2017Je ne sais pas comment je suis arrivée ici mais il parait qu’il n’y a pas de hasard. Merci pour cet article dans lequel tout le monde pourra s’y retrouver je crois, même sans jamais s’être tondue la tête. J’ai fait un voyage seule au Cambodge d’un mois, la 1ere fois que je m’offrais un tel cadeau moi qu avait fait passer les autres avant…dans mes choix, dans mes sacrifices et certainement dans les attentes que j’imaginais que les autres avaient de moi.
Après une déception sentimentale majeure et un besoin de virage professionnel que je n’arrivais pas à définir, j’ai décidé de prendre du recul et j’ai eu le besoin de faire ce voyage. Ce voyage en Asie, mais surtout ce voyage vers moi.
Pendant mes pérégrinations asiatiques j’ai eu envie de me faire couper les cheveux très courts voire de les tondre car je sentais que la mue intérieure devait se voir à l’extérieur, j’avais envie d’un changement physique radical. Finalement je ne l’ai pas fait. J’ai toujours cette envie de piercing au nez que je ne me suis pas autorisée à faire depuis mon retour, cet anneau qui me fait envie…comme si j’avais peur qu’on me juge (encore) et puis finalement en me relisant je me dis que ce n’est pas mon problème si les gens se méprennent sur qui je suis et s’en arrête à mon piercing….je finirai par le faire, j’en suis sûre.
Merci pour tes mots dans lesquels je me suis reconnue.
Je t’embrasse.
Charlie
14 février 2017Merci Aurore pour ton très beau partage ! J’en suis profondément émue (::
J’ai commencé à partager mes aventures en me rendant compte que ce que je vis c’est très humain et donc très universel, et que les mots des autres m’aident à franchir des étapes, à grandir. Je suis heureuse si les miens ont pu t’aider, te nourrir, te rassurer !
Passe une bonne journée et à bientôt j’espère !
Vanessa
14 février 2017Ça te va très bien, je n’ai jamais osé franchir le pas malgré y avoir pensé des dizaines de fois… Ahah et je comprends très bien ce que tu veux dire, je pense… Non pas par rapport aux cheveux, mais par rapport à d’autres choses de ma vie…. Par exemple le végétarisme dont je suis tellement fière mais s que mes proches n’approuvent pas du tout… En tout cas, très bel article 😉 .
Charlie
14 février 2017Bonjour Vanessa, et merci beaucoup pour ton retour !
Moi aussi je trouvais que ca m’allait bien ! Et c’était très agréable à porter, même si ça a quelque chose d’isolant ou différenciant vis à vis des autres humains. À ce moment-là c’est ce que je recherchais.
Je suis végétarienne depuis plus de deux ans et demi et je vois très bien de quoi tu parles… j’ai prévu d’écrire un article là-dessus aussi !
Passe une belle journée ! À bientôt 🙂
Norah
30 juin 2018Ce qui est drôle c’est que j’ai cette idée de me raser la tête depuis quelques semaines et que je prepare un voyage en Inde depuis quelques semaines aussi pour faire une retraite de méditation et j’ai l’intuition que c’est là bas que cela se fera… en tout cas, tu es sublime, merci de ton témoignage
Charlie
12 juillet 2018Hahaaaa !!! Oui c’est drôle ça… Et puis tu as atterri chez moi… comme par hasard !
Je retourne en Inde en 2019 ! Qui sait ce qui va se passer là-bas cette fois !
Je t’embrasse, et je serai heureuse d’avoir de tes nouvelles 🙂